À Paris, avril pare les places des belles fleurs bleues de paulownia. Dans les champs, c’est toujours le jaune du colza. Les freins au développement de l’agriculture de cette essence asiatique championne de la photosynthèse et de la captation de carbone ne sont pas levés. Elle n’est pas éligible aux aides de la PAC, à la différence de nombreuses pratiques puissamment émissives de carbone. Rien n’indique un changement de cap, le public urbain préfère les hamburgers aux arbres à miel et n’aime pas ceux qui poussent au cordeau, car cela ne correspond pas à son attente de nature sauvage. Rien ne change non plus dans l’intérêt du public et des cultivateurs pour un business avec croissance rapide associée à la prospérité économique.
À Plougoulm dans le Finistère, ArbrePaulownia, devenu également WeGrow France, poursuit son chemin. Il y a un mois, l’entreprise a réceptionné et exporté du bois de Paulownia récolté en France. Pour l’heure, le sciage se fait près du siège rhénan, en attendant le développement d’une transformation locale en France.
La grande nouvelle, c’est qu’ArbrePaulownia prend désormais en charge la croissance des pousses, comme l'explique Julien Kloesmeyer : il "y a quelques semaines, c'était un grand jour sur notre site de production en France : des milliers de jeunes arbres de Paulownia, hybridés avec soin dans le laboratoire de WeGrow Allemagne, sont arrivés à destination dans le Finistère ! Nous avons pris le plus grand soin pour installer ces petits hybrides dans leurs jifi, leur cocon de croissance. C’est là qu’ils vont rapidement s’enraciner, se renforcer et se préparer à devenir de véritables arbres en motte, prêts à être plantés chez nos clients, partout en France." Si des milliers de pousses ont été livrés en Bretagne, ce n’est pas pour vendre des arbres d’alignement ou d’agrément, mais pour livrer des clients qui souhaitent se lancer dans ce nouveau métier de cultivateur d’arbre, souvent en y associant d’autres cultures.
Kiribox, la construction bois avec isolation intégrée car le bois de paulownia est léger. © ArbrePaulownia
Qui plante dans ce contexte peut signer un contrat de revente du bois récolté après moins de dix ans, avec rejets ensuite plusieurs fois, de quoi continuer jusqu’à la retraite. Dans la nouvelle agroforesterie de la crise climatique, les bordures d’arbres participent au couvert végétal. Il faut de l’eau, notamment les deux premières années, des engrais et surtout de l’huile de coude. La rentabilité du Paulownia est une épreuve physique. On peut faire travailler les autres mais "auprès de son arbre il vaut mieux rester" car cette essence est sujette, si l’on n’y veille, à toutes sortes d’attaques sanitaires, sans compter le broutage.
Le cataclysme climatique nous oblige à repenser les espaces de vie et le binôme urbain culturel/rural sauvage aura de moins en moins de sens. © ArbrePaulownia
Le contrat de reprise, c’est aussi parce que le marché du bois de paulownia transformé est en plein essor. Voilà des années que les fondateurs de WeGrow cherchent les meilleurs exutoires, y compris dans la construction bois. Julien Kloesmeyer, d'ArbrePaulownia, présente KiriBloX : "L’une de nos innovations est KiriBloX® : notre système breveté de construction modulaire en bois massif. Après des années d'études, de recherche et de tests, nous avons présenté notre système KiriBloX® au Salon BAU à Munich, en janvier 2025. KiriBloX® va révolutionner la construction en bois massif. Les sections de rondins sont fraisées en profils octogonaux et solidement reliées les unes aux autres avec des chevilles en bois sans utiliser de colles ou de métaux. Il s'agit donc d'un produit 100 % naturel, aucune colle n'est nécessaire et en théorie, une maison peut même être démontée peut être reconstruite ailleurs ! KiriBloX® a passé tous les tests des matériaux de construction. Et grâce à la croissance rapide du paulownia, il est possible de construire des maisons à partir d'arbres âgés de seulement trois ans. Et tout cela à un prix compétitif !"
Maquette de maison KiriBox. L'ingénieur Julius Natterer aurait apprécié l'utilisation du bois en isolation et la simplicité de transformation. © We Grow
Trois ans ? Jusqu’à présent, il était question au mieux de sept ans pour que, dans les meilleures conditions, l’arbre atteigne sa maturité, le tronc sa taille optimale pour un débitage. Fraisé orthogonalement, cela signifie qu'on ne débite plus en planches, on réduit le carbone de la trnsformation. Désormais, la perspective d’une révolution rurale se précise. Les forêts restent des forêts, les champs deviennent des espaces mixtes où les arbres sont récoltés à brève échéance, en captant énormément de carbone, et pour construire des surélévations, des éléments de construction du hors-site, des systèmes pour l’autoconstruction, notamment dans ces nouveaux territoires intermédiaires ruraux qui attirent de plus en plus de monde et prennent le relais des "métropoles" régionales aux tares parisiennes.
Et le paulownia produira aussi toutes sortes de meubles français qui ne seront plus achetés au Vietnam, notamment pour la mobilité douce. La campagne française va se repeupler et en avril, les champs seront aux couleurs de l’Ukraine.
Tout sur le Forum Bois Construction
2025 est une année charnière pour les paulownias en France. En Bretagne, ArbrePaulownia est devenu producteur de plants, tandis que la maison mère a présenté au salon Bau un système constructif 100 % paulownia.